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Désirs d'Avenir 76

Christiane Taubira : Rendez-vous avec la République

26 Octobre 2009 , Rédigé par Yvon GRAIC Publié dans #Lecture

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Lecture   par Dianne
Le débat récent autour de la présentation par Ségolène Royal de Kamel Chibli pour occuper les fonctions qu'on lui proposait au bureau national du PS fait couler beaucoup d'encre. Il y est question de défense, illustration, récupération de la "France métissée". Qu'il ne puisse y avoir d'avis d'expert en cette matière est une évidence. Mais il est bon sur le sujet d'écouter un peu ce qu'une vraie républicaine peut en dire. Au-delà du blablabla et de l'inévitable mise en abîme qui nous ferait enfourcher la machine à remonter le temps... jusqu'à quand, au fait ?

Christiane Taubira est cette vraie républicaine pour qui la laïcité est l'alpha et l'omega des cohabitations réussies. Elle a écrit un témoignage magnifique : "Rendez-vous avec la République", un flamboyant plaidoyer pour que vive et s'exprime l'humanité dans les humains. Ce qui ne va pas forcément de soi.

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Le début du livre est un touchant récit à voix murmurée d'une partie de son vécu, confidence d'auteur à lecteur que l'on découvre avec beaucoup d'émotion. Mais pour en rendre compte, on peut commencer par la fin  et par cette formule choc concernant les classifications ethniques "toujours en retard sur l'amour"... Cela donne le ton.

Son inventaire des possibles et des impasses planétaires en matière de vivre ensemble ne donne le beau rôle à personne. Selon elle, qui que l'on soit, où que l'on soit, on ne peut indéfiniment déléguer à d'autres ses responsabilités dans l'insuffisance des processus d'émancipation.  Et de rappeler que la même année qui vit la fin de l'apartheid en RSA vit aussi le génocide Rwandais, à la mémoire duquel elle s'est associée de fort près.

Comment "Etre au monde, notre maison" ? Telle est la grande affaire...

"Je suis noire, disent-ils. Je n'y trouve pas d'objection. Mais c'est un fait que cette postulation est source de beaucoup d'inconvénients. Je n'y vois pas d'agression personnelle et le cas échéant je sais y faire face, en sortir sans trop de brûlures. C'est à une autre meule que j'ai aiguisé le tranchant de mes engagements et de ces colères que j'essaie de rendre fécondes".

Mais, même si "La mode est au noir, question noire, associations noires, populations noires", regrettant le manque d'audace lyrique en regard de termes comme "négritude" et "black power", elle déclare tout net : "Parlons clair : tous les  Noirs ne sont pas mes frères, tous mes frères ne sont pas noirs..../... Ma fratrie est à l'échelle de l'univers.../... Quant à mes frères, qui, en terre de France, se proclament noirs, j'attends en cordialité qu'ils disent en quoi le noir est une couleur plutôt qu'un kaléidoscope, une identité plutôt qu'un étendard, un euphémisme délesté de toute rugosité". Et de refuser de servir d'étendard au CRAN.

Elle s'insurge : "Discriminer ? Encore !"

La République méconnaît les diffférences. Elle ne connaît que des citoyens, libres et égaux. Et comment s'accommode-t-elle de l'inégalité ? Comment comprend-elle la liberté sans effet ? Que pense-t-elle de la négation du fait de race et sa présence dans la constitution ? Des inégalités frappent des citoyens au motif de leur apparence. Ces injustices dérogent au principe d'égalité des droits. Seul ce principe mérite considération. Il ne s'agit ni de demander ni de patienter. Seulement de se réinstaller dans son droit au Droit et de le faire valoir. Quotas, postes réservés, concours aménagés, mesures temporaires ou permanentes, ce sont là débats techniques. Critères d'amont sur les conditions de participation ou rétablissement d'aval lors de la sélection, ce sont là débats de procédure. Ce qui est à nous : la République.

Elle constate toutefois que "Ce pays est en train de partir en morceaux, car chaque catégorie sociale, professionnelle, confessionnelle, culturelle, qu'elle soit réelle ou qu'elle se vive comme telle, reste livrée à ses combats solitaires contre tous. Il est temps de renouveler et de rénover le contrat social. Il faudra bien que l'on comprenne que chacun est infiniment plus que ses origines, son territoire, ses croyances. Et que vivre ensemble sans préjugés, c'est vivre mieux."

Après avoir décrété que "discrimination positive est un oxymore offensant et préoccupant", elle glane au passage cette citation de Martin Luther-King :   "Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots."

Et enfonce un  autre clou : moins de 10% des femmes ont accès à la décision politique. A mettre en parallèle avec ceci : "La gauche n'a plus guère de temps pour un programme, elle décore son Panthéon". Et si ceci expliquait en partie cela ?

Elle dresse un portrait cruel de l'activisme et des "imprécateurs" dans lequel on reconnaît quelques apparatchiks de salons et de forums internet :  "les virtuoses de la récrimination, vigoureux de leurs trois repas quotidiens et de leur sommeil sans houle, confortables dans leur profil replet, sillonnent colloques et manifs, vitupèrent  en ré majeur et ricanent en sourdine."

Pour conclure avec Césaire : "Oui Seigneur pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par les chantiers obliques".

Christiane TAUBIRA  "Rendez-vous avec la République"

La Découverte ISBN 978-2-7071-5091-2

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L
<br /> A l'auteur du blog : pouvez-vous me contacter ?<br /> merci<br /> <br /> <br />
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