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Désirs d'Avenir 76

Bertrand et la fiscalité régionale: promesses en toc et double jeu

27 Janvier 2010 , Rédigé par Yvon GRAIC Publié dans #Baratin

http://l.liberation.fr/img/content/lg_libe.gifDESINTOX

Le secrétaire général de l'UMP assure que son parti n'augmentera pas les impôts dans les régions qu'il gagnera. Mais il omet de dire que la réforme fiscale privera les régions de leur prérogative en matière d'impôt... Et il oublie un intéressant article du projet de loi de finances...

 

http://www.rue89.com/files/2009_02_10_Xavier_Bertrand.jpg

Xavier Bertrand lors des voeux de l’UMP

INTOX «Nous prenons un engagement: dans toutes les régions que nous reprendrons, il n’y a qu’un seul chiffre à retenir, il y aura 0% d’augmentation des impôts locaux dans les six années à venir.»

Après avoir dénoncé la «folie fiscale» du PS dans le Livre noir des régions socialistes, l’UMP en campagne continue de surfer sur le classique filon de la gauche «accro» à l’impôt. Le 17 janvier, lors des vœux de l’UMP, à Nice, Xavier Bertrand, secrétaire général du parti, a promis la rupture avec la gestion socialiste, répétant une promesse aux contribuables français : «Nous prenons un engagement : dans toutes les régions que nous reprendrons, il n’y a qu’un seul chiffre à retenir, il y aura 0% d’augmentation des impôts locaux dans les six années à venir.»

DESINTOX

Xavier Bertrand ne prend pas beaucoup de risques en faisant cette promesse… Et pour cause, les régions vont abandonner, avec la réforme fiscale, quasiment toute prérogative en matière d’impôt. Les régions perdront la main sur leurs deux principaux leviers fiscaux : la taxe professionnelle dès 2010, puis la taxe foncière en 2011. Ne restera aux régions, qui ne touchent plus la taxe d’habitation depuis 2001, que la taxe sur les cartes grises et une petite part de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers). Laquelle a déjà été portée à son plafond par la quasi totalité des régions et ne pourra donc plus être augmentée. «Autant dire que chacun peut promettre qu’il ne haussera pas les impôts», raille Martin Malvy, président de la région Midi-Pyrénées.

Ce diagnostic est partagé par la droite, comme on le lit dans un communiqué de la région Alsace, administrée par l’UMP : «A partir de 2011, la région n’aura plus aucune prérogative en matière de fiscalité directe. Son seul levier fiscal portera sur les cartes grises et éventuellement la modulation régionale de la TIPP, très encadrée.» Bref, le péril fiscal agité par Bertrand est bien limité…

Mais il y a plus drôle. En réalité, la seule petite «menace» pour le contribuable régional… a été créée par le gouvernement lui-même. Les caisses étant vides, l’Etat a aujourd’hui le plus grand mal à trouver de quoi financer les grandes infrastructures prévues dans le cadre du Grenelle de l’environnement, comme les lignes TGV. D’où l’idée de mettre à contribution les collectivités. L’article 94 du projet de loi de finances 2010 donne ainsi aux régions la possibilité de majorer la part régionale de la TIPP au-delà du plafond autorisé… à la condition de dédier «exclusivement» cette nouvelle recette aux grands travaux du Grenelle. Le ministère de l’Environnement estime à 450 millions d’euros le produit potentiel de cette mesure. Admirons la perversité du dispositif : voilà donc les régions privées de quasiment toute autonomie fiscale, mais priées de taxer l’automobiliste pour le compte de l’Etat. Tout en étant accusée de matraquage fiscal.

Un comble, dénoncé lors des débats parlementaires. «Le président de la République aura beau jeu de continuer de dénoncer la folie fiscale des régions, alors que c’est le gouvernement qui force les régions à augmenter la fiscalité pour financer les compétences qu’il n’est plus en mesure d’assumer seul !» s’est indigné François Marc, sénateur PS du Finistère. Alors que la gauche voulait supprimer l’article, c'est Eric Woerth, ministre du Budget, d'habitude pourfendeur de l'impôt, qui a défendu la mesure :  «il est dans l’intérêt des régions de pouvoir disposer de grandes infrastructures de transport alternatives au réseau routier, comme le canal Seine-Nord, par exemple, auquel de nombreux sénateurs sont attachés. Le dispositif présenté vise à les aider à financer de tels équipements, en leur offrant la possibilité de jouer sur la taxe intérieure sur les carburants».

Une position pas vraiment raccord avec la tonalité très «anti-impôt» de la campagne de l’UMP, et qui a suscité ce commentaire amusé de Nicole Bricq, sénatrice (PS) de Seine-et-Marne : «J’ai pourtant entendu Xavier Bertrand prendre l’engagement que les impôts n’augmenteraient pas dans les régions... Soit la position de la droite est complètement incohérente, soit l’UMP ne compte gagner aucune région...»

Par CÉDRIC MATHIOT

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