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Désirs d'Avenir 76

Collomb se dévoile

16 Mai 2009 , Rédigé par Yvon GRAIC Publié dans #Ségolène ROYAL

Ambition. Sans pitié pour le PS, le maire de Lyon lorgne 2012...

Michel Revol

Collomb se dévoile

 

Meden agan. Gérard Collomb brandit parfois la devise d’Athènes, qui signifie à peu près « rien de trop ». Elle colle bien à ce sexagénaire affable et simple, qui aime pousser la chansonnette en public et parler en toutes occasions de sa femme, d’une trentaine d’années sa cadette. Politiquement aussi, Collomb est un homme sans trop d’arêtes : pragmatique mais guère charismatique, il est devenu en quelques années le maire tout-puissant de Lyon en jouant le consensus, à la manière de Raymond Barre, qui l’adouba quasiment comme son successeur. Depuis quelques semaines, pourtant, Collomb gronde. En mars, il voulait une place éligible sur la liste socialiste aux européennes pour l’un de ses protégés, mais Solferino ne l’a pas écouté. C’est en tout cas ce qu’il dit. Depuis, « Gégé » rejoue la province contre Paris, le petit contre les nantis, l’élu local contre l’appareil. « Une fronde ? Quelle fronde ? » raille-t-on en substance Rue de Solferino, d’où l’on regarde d’un oeil un peu méprisant les coups de menton de Collomb. L’homme s’en moque. Omnipotent à Lyon, il n’a pas grand-chose à perdre. Il va continuer à faire entendre sa voix. « Je ne doute jamais de rien. » On lui prête même des ambitions présidentielles. Meden agan ?

Le Point : En mars, vous menaciez de prendre votre « indépendance » vis-à-vis du PS. Vous ne l’avez toujours pas quitté !

Gérard Collomb : Je ne veux pas démissionner. En revanche, j’ai cessé de me référer à un présidentiable. Je me suis clairement affranchi de Ségolène Royal, car je ne reconnais pas, dans sa pensée, la ligne directrice qui nous fera gagner. J’attends d’elle qu’elle structure sa pensée sociale, économique. Elle ne peut se contenter d’être dans la parole, dans l’expression d’une repentance généralisée.

Vous ne voyez pas d’autre leader socialiste capable de gagner la présidentielle ?

A l’évidence, personne n’émerge. La situation actuelle au parti, c’est celle du statu quo. Il n’y a aucun mouvement, ni pour produire des leaders, ni pour produire des idées. En revanche, il y a beaucoup d’arrière-pensées, comme celles des strauss-kahniens, qui tentent de figer la direction du PS en attendant le retour de DSK. Mais s’il ne revient pas, que fait-on ?

Martine Aubry ne peut-elle pas imposer sa loi ?

Non. D’abord, le PS est tenu par Benoît Hamon et ses amis, c’est-à-dire la gauche de la gauche. Ensuite, Martine Aubry est mal à l’aise, parce qu’elle ne dispose pas d’une majorité cohérente. Elle est donc obligée en permanence de faire l’arbitre, d’être dans l’entre-deux. Or, tant qu’on n’aura pas tranché entre une ligne sociale-démocrate et une ligne marxisante, on sera à côté de la plaque.

Sur quels sujets ?

Prenez l’Europe. Au PS, on ne veut pas dire qu’on est protectionnistes, donc on dit qu’on est pour le « juste échange ». Quand on a dit ça, on n’a rien dit, mais il fallait trouver un compromis entre les anti et les pro-européens. Regardons la sécurité. Les socialistes ont fait un grand bond de vingt ans en arrière en revenant à une conception droits-de-l’hommiste. On dit qu’on est contre la vidéosurveillance, alors qu’on installe tous des caméras dans les villes socialistes ! L’épicier de Lyon, il veut avant tout de la sécurité. Je peux aussi évoquer l’économie. Dans les collectivités locales, on est les champions de l’innovation, de la recherche, des relations labos-entreprises. Mais ces sujets ne sont pas abordés une seule fois dans l’année au bureau national du parti ! Or, quand vous n’avez pas de création de richesses, comment faites-vous pour avoir une politique sociale ?

Les 35 heures vous ont d’ailleurs ulcéré...

Martine Aubry, c’est comme l’application des 35 heures : trop raide ! Elle a appliqué la loi sans en parler aux syndicats, comme un modèle uniforme pour toutes les sociétés. Si les grosses boîtes en ont tiré un bénéfice, celles d’une dizaine de salariés en sont quasi mortes. Moi, je préfère le dialogue. Plutôt que de dire « le Medef, c’est des sales réacs », j’ai rencontré Laurence Parisot pour discuter de la réforme de la taxe professionnelle et lui signifier que sa suppression n’était pas aussi facile que ça.

La coupure entre les « territoires » et l’appareil, c’est ce qui gangrène le PS ?

Oui. Martine Aubry est enfermée dans un petit groupe qui dirige le parti. Si c’est l’OCI [organisation trotskiste dont furent membres des proches d’Aubry, NDLR] qui est aux commandes, le PS est mort, parce que ces gens couperont l’appareil de la société. On ne peut constituer les listes aux européennes à cinq personnes rue de Solferino, puis espérer remplir une salle comme le Zénith ! Qu’Elisabeth Guigou, qui n’a jamais eu de mandat local, soit chargée des collectivités locales au PS, c’est incroyable ! Avec ce type de pratiques, le PS ne peut que perdre à la prochaine présidentielle.

Devra-t-il faire alliance avec le MoDem ?

Au second tour, oui, il faudra une alliance avec le MoDem.

Le PS aurait-il plus de chances en désignant son candidat lors d’une primaire ?

Oui, en partie. Aujourd’hui, on va dans le mur. S’il n’y a pas de primaires, Ségolène Royal se présentera quoi qu’il advienne à la présidentielle, en concurrence avec le candidat du PS. Je milite donc pour des primaires ouvertes à tous les sympathisants de gauche. Ce système évitera que le candidat soit désigné par un petit cénacle, lors de petits arrangements fédéraux, et il lui conférera une grande légitimité.

Vous y concourrez ?

Il y a déjà une quinzaine de candidats. Faut-il en ajouter un seizième ? Et puis, on ne se décrète pas candidat comme ça. Aujourd’hui, ce n’est pas ma préoccupation première.

Et demain ?

J’ai dit « aujourd’hui ».

photo © Stéphane Audras/Rea

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