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Désirs d'Avenir 76

Le Parti socialiste à qui perd gagne, vraiment ?

28 Novembre 2008 , Rédigé par Yvon GRAIC Publié dans #Débat

http://medias.lemonde.fr/mmpub/img/lgo/lemonde_moy.gif CHRONIQUE POLITIQUE


Le plus étonnant, dans la longue bataille pour la direction du Parti socialiste, est qu'on n'est pas sûr de savoir qui l'a gagnée. Pas à cause des contestations sur le vote du 21 novembre, dissoutes dans les conciliabules de la désormais célèbre commission de récolement. Le doute n'est pas arithmétique ni juridique, mais politique.

Les experts divergent. A première vue, Martine Aubry a bien l'air d'un vainqueur. Elle a même un petit air vainqueur. Il s'agissait de désigner le successeur de François Hollande au poste de premier secrétaire. La maire de Lille a été élue par les militants, confirmée par le conseil national. Elle a donc remporté la partie.

Touchante naïveté ! Croire qu'il suffise de regarder le tableau d'affichage pour connaître le résultat du match témoigne d'une grave méconnaissance des subtilités de la politique en général et de celles du PS en particulier. En réalité, Ségolène Royal sort victorieuse du congrès de Reims parce qu'elle l'a perdu.

Résumons les arguments des deux thèses, en commençant par la vulgaire. Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste, dirige l'un des deux grands partis de gouvernement de ce pays, une formation dont les élus sont aux commandes de presque toutes les régions et de la grande majorité des départements et des villes. Au conseil national du parti, elle peut compter, en principe, sur l'appui de 70 % des membres, qui ont presque tous appelé à voter pour elle au poste de premier secrétaire.

Il lui revient de moderniser le Parti socialiste. Puisque le reproche principal adressé à son prédécesseur était celui de l'immobilisme, il appartient à la nouvelle dirigeante d'en sortir et de faire circuler un sang nouveau dans les artères de la vieille maison. C'est un beau défi, pour lequel elle a deux atouts : sa nouveauté dans ce genre de fonction et la pression de l'urgence sur ses alliés. Engagée de façon relativement marginale dans le jeu des courants du PS, Martine Aubry peut s'appuyer sur l'opinion publique pour les faire bouger. Et ceux qui se sont ligués derrière elle, contre Ségolène Royal, savent qu'ils doivent faire en sorte que leur parti cesse de mériter les accusations d'usure et de sclérose lancées contre lui par la candidate et ses partisans.

La thèse savante veut que la présidente du conseil régional Poitou-Charentes ait gagné parce qu'elle a montré que la moitié de la base socialiste lui fait confiance. Ce résultat est d'autant plus significatif que, parmi ceux qui ont voté cette année, il n'y a pas d'oiseaux de passage à 20 euros, comme en 2006, mais seulement des militants fidèles. La voilà donc installée dans le parti, avec un courant formé sur son nom, sans y être enfermée et sans devoir assumer les ennuis de la gestion interne et des revers électoraux à venir.

Réaffirmant que son objectif est de vaincre la droite à l'élection présidentielle de 2012 - " c'est demain " -, Ségolène Royal a consolidé son statut de candidate et même de propriétaire de la candidature. Pour qu'elle y renonce, il faudra qu'on l'en dépossède. A la différence de Michel Rocard face à François Mitterrand il y a trente ans, elle n'est pas le challenger d'un candidat attitré. C'est plutôt Martine Aubry qui doit travailler à faire revenir la candidature dans les murs d'un PS rénové.

Le lecteur choisira, mais l'écriveur a son idée. Ségolène Royal a toujours expliqué qu'elle avait échoué, en 2007, à cause du PS. Elle a tenté de le conquérir pour le modeler à sa manière et elle n'est pas parvenue à rassembler une majorité : ni parmi les cadres, à Reims, ni dans le vote des militants, la semaine suivante. Il arrive qu'une défaite ne soit rien d'autre qu'une défaite.

Patrick Jarreau

Courriel :jarreau@lemonde.fr

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