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Désirs d'Avenir 76

Contre l'égoprésident Sarkozy, le second Serment du Jeu de paume

22 Juin 2009 , Rédigé par Yvon GRAIC Publié dans #Institutions

http://www.mediapart.fr/sites/all/themes/mediapart/mediapart_v2/images/pave.jpgpar   Edwy Plenel

Le lundi 22 juin 2009 restera comme un jour sombre dans l'histoire de la République française. La prise de parole du président de la République devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles est sans précédent démocratique. Si l'on excepte Louis Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III dont le coup d'Etat contre la République guérira longtemps les authentiques républicains du présidentialisme, le seul précédent connu, celui des toutes premières années de la IIIe République, avec Adolphe Thiers en premier président, renvoie à une époque de guerre sociale, encore ensanglantée par le massacre des Communards parisiens – par les Versaillais, justement.

 

La mise en scène de Versailles parachève symboliquement le coup d'Etat à froid, cynique et systématique, qui est au moteur de cette présidence. Les casuistes institutionnels qui la justifient, arguant que le pouvoir présidentiel est légitime à s'adresser directement à la représentation nationale, masquent l'enjeu véritable : le problème démocratique français n'est pas que le président ait des pouvoirs, à la manière de son équivalent américain, mais que ce président dispose désormais de pouvoirs pratiquement sans limites, l'extension de ses prérogatives n'ayant été accompagnée d'aucun équilibre, d'aucun contrepoids, d'aucun contre-pouvoir.

 

La démocratie, depuis les Lumières, c'est le sens des limites : des pouvoirs séparés, limités, équilibrés, balancés, contraints l'un par l'autre, surveillés et contrôlés. En franchissant la frontière principielle qui isolait le président de la République de la représentation nationale, en abolissant cette mise à distance de deux sources de légitimité républicaine, en organisant l'humiliation de députés et sénateurs contraints d'écouter un président qui se dispense d'entendre leurs réponses ou leurs interpellations, le spectacle versaillais est le sacre d'un homme dans l'abaissement de notre démocratie. C'est la consécration d'une régression démocratique dans le renoncement à l'essence même de l'esprit public : la séparation des pouvoirs.

 

Depuis son élection, en mai 2007, Nicolas Sarkozy témoigne d'une pratique du pouvoir profondément régressive et archaïque. A la manière de certaines démocraties de basse intensité, qui ont l'excuse d'être encore jeunes et fragiles, où courtisaneries et corruptions tiennent lieu de procédures et de règles, tout semble désormais procéder en France de cette présidence hors limite et hors contrôle. Agendas législatifs, meccanos industriels, échafaudages financiers, médias publics et privés, promotions individuelles, carrières politiques, instructions judiciaires, dispositifs policiers, parti majoritaire, opposition tétanisée, etc. : aucun domaine n'échappe à l'interventionnisme avéré ou au désir d'intervention d'une présidence absolutiste, dominatrice et expansionniste.

Notre indifférence est son meilleur allié. Oubliant que l'histoire est parfois tragique, nous n'arrivons pas à prendre la mesure du danger. Après tout, notre vie publique n'est apparemment pas bouleversée, nos libertés peuvent toujours être défendues et nos médias laissent encore s'exprimer la contestation. Mais qu'en sera-t-il le jour où, face à un péril, une menace, une tension, une panique, un attentat, une guerre, bref un moment de vérité pour notre culture démocratique, ce dispositif méticuleusement construit prouvera son efficacité redoutable ? Ce jour-là il sera trop tard pour s'étonner que le pouvoir présidentiel utilise et exploite sans aucun frein cette crise fondatrice, à la manière de la présidence de George W. Bush au lendemain du 11-Septembre.

C'est donc maintenant qu'il faut réagir. D'autant plus que ce pouvoir qui se veut puissant n'est aucunement majoritaire dans le pays. Après tout, son parti n'a obtenu le soutien que de 11% des électeurs inscrits au dernier scrutin européen. Près de neuf électeurs sur dix ont refusé de le suivre, soit en s'abstenant pour la majorité, soit en votant contre. L'opinion est d'autant moins dupe de cette omniprésidence qu'elle discerne sans mal la part de démesure qu'y ajoute l'équation personnelle de Nicolas Sarkozy, cet égoprésident, entre narcissisme, égoïsme et égotisme. Mais, pour l'heure, elle est orpheline, sans repère ni héritage : ce pouvoir est d'abord fort de la faiblesse de ses oppositions.

C'est bien pourquoi il s'attache méticuleusement à les affaiblir, soit en cannibalisant leurs thématiques, soit en débauchant leurs individualités, soit en humiliant leurs représentants. Le sarkozysme est à la politique ce que le bernard-l'ermite est aux crustacés : un squatteur sans vergogne, qui poursuit avidement ses intérêts en vidant de leurs contenus les coquilles des autres. Sans rapport de force préconstruit, sans capacité à le tenir à distance, sans lucidité vigilante sur ses intentions cachées, tout interlocuteur d'un pouvoir de ce type reste à sa merci, tant la règle ici est l'absence de règles. Si ses oppositions n'inventent pas leurs propres rythmes, calendriers, initiatives, événements, surprises, etc., elles seront toujours en retard d'une bataille, d'un symbole, d'un imaginaire.suite et texte intégral pdf

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