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Désirs d'Avenir 76

Ségolène Royal : le «sacrifice» en visant le sacre

25 Juin 2010 , Rédigé par Yvon GRAIC Publié dans #Ségolène ROYAL

Enquête

Bien qu’elle se soit dite prête à renoncer aux primaires socialistes, la présidente de Poitou-Charentes semble fourbir ses armes pour 2012. Rencontre dans son fief, à Poitiers.

Par MATTHIEU ECOIFFIER envoyé spécial à Poitiers

 

Si Dominique Strauss-Kahn est «l’imam caché» des socialistes, Ségolène Royal en est la Greta Garbo. Icône politique faiblissante préparant en son for intérieur un come-back pour les primaires socialistes en vue de la présidentielle de 2012. Elle paraît pourtant hésiter à se lancer de nouveau, malgré sa nostalgie des sunlights et son désir intact d’en découdre.


Royal entretient à dessein sa rareté sur la scène politique nationale. Absente aux raouts du PS, de bureaux en conseils nationaux, elle distille ses apparitions depuis son fief de Poitou-Charentes. «Ségolène, on n’en parle jamais,     constate un proche de Martine Aubry. Elle n’a pas totalement disparu des écrans radar, mais elle n’est plus au cœur de l’actualité du parti, comme du pays.» «Ségolène, elle est ailleurs», aime à dire la première secrétaire du PS.


Pacte. L’intéressée y voit une stratégie : «Ancienne candidate à la présidentielle, cela donne un statut. La preuve, c’est que je suis invitée dans le monde entier. J’ai une voix qui porte médiatiquement, je peux faire les émissions politiques quand je veux. C’est moi qui maîtrise la rareté de ma parole politique, pour dire des choses intelligentes quand j’ai besoin de les dire.»  Depuis sa réélection en mars à la tête de sa région avec un score de 60,61% qu’elle qualifie d’«extraordinaire», Royal est sortie deux fois de son silence. D’abord pour expliquer qu’elle était prête à «sacrifier» sa candidature aux primaires pour s’inclure dans le pacte de non-agression que Martine Aubry et DSK auraient conclu. Puis, sitôt les conditions de désignation du futur candidat socialiste fixées - s’acquitter d’un euro et signer une charte des valeurs -, elle a laissé entendre qu’elle remporterait les primaires haut la main. Une posture contradictoire ? D’où la nécessité d’en savoir plus.


Conquête. Mercredi 16 juin. François Fillon vient d’annoncer le report de l’âge de la retraite à 62 ans. A peine sortie du TGV de Paris - elle a voyagé en seconde -, Royal ironise sur les «grosses ficelles» du gouvernement consistant à faire fuiter 63 ans pour qu’on se dise : «Ouf ! Ce n’est que 62 !» «Cela va pénaliser les femmes qui ont trimé toute leur vie, n’ont pas vu leurs enfants et toucheront à peine le minimum vieillesse.» Ce jour-là, elle est à Poitiers pour présider une réunion de «démocratie participative» sur la pénibilité au travail. De quoi faire, selon elle, la démonstration régionale qu’une réforme consensuelle était possible au plan national.

13 h 45, Hôtel de région. «Mais où est mon petit communiqué, toujours pas tapé ?» grince-t-elle face à un staff tétanisé. France 3 et i-Télé sont là pour enregistrer sa réaction, mais c’est Martine Aubry qui mène la danse depuis la rue de Solférino, à Paris. Les deux se sont rabibochées : «On se voit une fois par mois», confirme Royal. Mais la concurrence perdure. Quand on évoque le contre-projet du PS que la maire de Lille a dégainé sur les retraites, Royal rappelle que «la veille, elle avait sorti une interview dans le Monde pour appeler à un référendum d’initiative populaire».

14 heures, dans l’immense grenier aménagé au-dessus de l’hémicycle du conseil régional, experts, syndicalistes, patrons et élus échangent autour d’une table en fer à cheval. Avec «Mme Royal» en M. Loyal. Au micro, elle se montre ferme, parfois cassante, notamment avec une médecin du travail : «Essayez d’être synthétique, de déboucher sur des solutions opérationnelles !» Elle l’écoute avec intérêt lorsque la professionnelle rappelle que «20% d’incapacité, c’est un maçon qui ne peut plus lever les bras». Royal charge les trois syndicalistes élus sur sa liste en mars du relevé de conclusions. Mais elle dispose d’un «conducteur» où ses propositions sont déjà écrites. La région lancera un appel à projet sur la pénibilité et labélisera les entreprises volontaires pour l’améliorer. Anecdotique ? «Le régional c’est bien, mais ce sont des lois nationales qu’il faut», commente à la sortie Guy Eyermann, ex-délégué CGT de New Fabris, rêvant d’une Ségolène repartant à la conquête du pays : «Je ne suis pas socialiste, mais de plus en plus royaliste.» Selon Royal, il n’est pas le seul : «J’ai une adhésion populaire forte quand les gens sont en proximité, me voient, que je fais campagne et rends des comptes, c’est vrai que je déplace les gens.»

17 h 45. La voilà dans son bureau design aux lourdes portes mauves capitonnées. Sur la table, une lampe en forme de corne dont elle a soigneusement orienté la lumière sur son regard. A la voir, elle rayonne plus lorsqu’elle évoque sa candidature que lorsqu’elle parle de la retirer. A-t-elle vraiment mis son ambition au frigo? «Ce qui compte, c’est la victoire de mon camp et que Sarkozy soit battu. Je préfère pousser un dispositif cohérent qu’aller m’abîmer dans quelque chose qui ne serait pas gagnant. C’est pour ça, je préfère faire le sacrifice [elle glousse] de l’ego. Surtout si, en plus, je n’ai pas le parti derrière moi…» Royal se dit prête à s’effacer. Mais y met des conditions aussi floues qu’impossibles à remplir. «S’il y a quelque chose de plus puissant qui se met en place avant, en discussion avec Martine Aubry et DSK, cela ne me pose pas de problème de m’intégrer à ce dispositif.»

Les critères pour qu’elle «déclenche» sa candidature sont plus ouverts : «Si jamais il n’y a pas de dialogue, mais des conflits, un projet qui ne me semble pas gagnable ou une possibilité à la fois d’être candidate et de mettre en place un rassemblement»… elle se présentera. Et se dit sûre de l’issue : «Je sais que je peux gagner les primaires.» Avant d’en faire la démonstration : «Regardez, même au congrès, dans le parti, on disait que j’étais fichue. Tous les éléphants se sont mis contre moi. Normalement j’aurais dû m’écrouler et j’arrive en tête des motions ! Et le congrès, maintenant tout le monde le sait, je l’ai gagné. Donc ça veut dire que j’ai la base des militants socialistes avec moi.» Mieux, avec les primaires à un euro, «vous élargissez le nombre de votants : une victoire ne se fait pas avec les sondages, mais avec des gens qui ont envie de venir vous soutenir».

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«Combat». Directeur de l’institut de sondages Viavoice, François Miquet-Marty la considère «en position seconde. Elle est moins bien placée que DSK ou Aubry. Mais elle fait toujours partie du jeu. Au plan national, elle est capable de gagner dix points rapidement : elle est passée de 29% en décembre, après les tensions avec Peillon, à 41% en avril». Royal est confrontée à une injonction contradictoire de l’opinion : «Les sympathisants de gauche l’aiment quand elle est différente. Mais dès que cela devient une source de conflit à gauche, cela leur est insupportable.» Bref on apprécie sa «bravitude», mais on ne tolère plus sa «gaffitude». D’où la nouvelle posture de Royal mi-sacrificielle sur le mode unitaire (et temporaire), mi-frondeuse pour faire entendre sa différence. Elle s’apprête à publier un article «sur les cinq défis de civilisation» avec le sociologue Edgar Morin : «Cela pourrait aussi faire un programme de gouvernance.» Et quid de ses réseaux ? L’intéressée énumère «l’électorat populaire, Désirs d’avenir, les relais qui sont dans le territoire et les jeunes des quartiers». Ses rivaux socialistes la décrivent plus esseulée. «Ségolène a une base de fans, c’est vrai, mais qui a sérieusement diminué, estime un proche de François Hollande. Il y a des mecs qui sont ségolénistes à fond, qui se donnent à elle corps et âme. Mais ils ne sont que quelques milliers tout au plus. Ce n’est pas une génération spontanée.»

Pourtant, Ségolène Royal ne doute pas de ses atouts. En parlant d’elle à la troisième personne : «Il y a la légitimité de la candidature précédente et un peu cette position aussi : elle ne se décourage pas, elle y retourne, elle va au combat. Dans la mesure où je ne suis pas la favorite des sondages, cela crée encore plus de happening, les gens vont se dire : "C’est nous qui décidons." Moi qui adore les campagnes !» Disant cela, elle tape du poing sur la table

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