Ségolène Royal : «Je suis la plus expérimentée pour battre Nicolas Sarkozy»
La candidate aux primaires socialistes, Ségolène Royal, a occupé la scène tout l’été alors que ses concurrents étaient en vacances. Malgré des sondages en berne, elle se dit persuadée qu’elle peut s’imposer au PS puis battre Sarkozy en 2012
Les marchés sont chahutés depuis juillet. Sommes-nous face à une crise durable ?
Ségolène Royal. Oui, si rien n’est fait. Non, si l’on se bouge. Lors de la très grave crise de 2008 l’occasion n’a pas été saisie de changer les règles du jeu. Il faut avoir le courage
de reconnaître que ce n’est pas seulement une crise financière, mais aussi une crise de civilisation. Nous devons construire ce que j’appelle un ordre international juste dans lequel les banques
obéissent et cessent de mordre la main qui les a nourries, à savoir les Etats et donc les peuples qui souffrent!
Les Etats occidentaux, dont la France, n’ont-ils pas vécu au-dessus de leurs moyens ?
Il faut toujours contrôler le bien-fondé des dépenses. Ce que je propose, c’est que les dépenses nouvelles soient gagées par des économies. Nous
sommes présidés par « le président-déficit » : il a plus que doublé le déficit public, en grande partie à cause des cadeaux fiscaux aux grandes fortunes. Je propose l’ouverture d’états généraux
sur la réforme des prélèvements et de l’impôt puis un référendum pour stabiliser les règles pendant cinq ans. L’Etat s’est aussi surendetté en renflouant les banques sans aucune contrepartie. Je
propose l’entrée de l’Etat au capital des banques qui sont aidées et l’interdiction de la spéculation sur les dettes publiques. Dans les pays qui contrôlent le système bancaire, la croissance est
au rendez-vous.
Nicolas Sarkozy a de nouveau demandé aux socialistes de
voter la règle d’or qui fixe dans la Constitution un retour à l’équilibre des finances publiques. Ne pensez-vous pas que la gravité de la situation exige un consensus sur cette question
?
Les Français sont intelligents et donc fatigués des effets d’annonce. Comme eux, je veux des solutions. C’est pourquoi je propose de commencer par
lutter contre les injustices fiscales et la fraude. Il y a différentes façons d’atteindre 3% du PIB en 2013. Le refus du président de la République d’en débattre est un aveu de
faiblesse.
Nicolas Sarkozy annoncera des décisions le 24 août concernant le budget 2012…
Mais pourquoi attend-il ? Déjà, il a un temps de retard. Le Conseil européen du 21 juillet était une date clé, rien de concret n’en est sorti. C’est
cette inertie qui est directement coupable de la crise de ce mois d’août. Ces sommets, en coup de vent, clic-clac photo, ne donnent rien de bon. Ce n’est pas sérieux. Il faut travailler plusieurs
jours d’affilée et rendre des comptes. Si je suis élue, je changerai les méthodes de travail pour les adapter aux nouveaux défis européens.
La zone euro est-elle menacée ?
Non, c’est bien plus grave. Ce qui est menacé, c’est le niveau de vie des gens et l’emploi. Regardez les révoltes sociales. Tant de masses
financières d’un côté et de montée du chômage de l’autre. On s’en prend aux services publics, à la retraite, au niveau des salaires… Et donc on aggrave la crise. Alors qu’il y a des solutions
pour mettre la finance au service de l’activité. Par exemple, je demande à l’Autorité des marchés de publier la liste des organismes financiers qui ont spéculé contre les Etats. Pourquoi cette
connivence par le silence ?
Le ministre de l’Intérieur Claude Guéant veut atteindre
30 000 reconduites à la frontière en 2011. Cela vous choque ?
Ce qui consterne, ce sont encore des effets d’annonce au cœur de l’été, sur un terrain exploité pour la prochaine échéance électorale. Sans qu’il y
ait la moindre évaluation des décisions antérieures. C’est une prise en otage des immigrés. Dans ces domaines, la loi doit être appliquée, c’est tout. Sans en faire un sujet de spectacle et
d’exploitation de la misère de gens pour faire oublier l’échec cuisant sur la sécurité.
Approuvez-vous la proposition de l’UMP de créer un fichier des bénéficiaires d’allocations sociales ?
Les démocrates doivent se méfier des fichages. Pour lutter contre la fraude, vérifions les critères d’attribution des allocations et sanctionnons.
Et surtout soyons aussi sévères contre la fraude fiscale des grandes fortunes choyées par ce pouvoir ! Un journal a dit récemment que madame Bettencourt doit 30 M€ au fisc. A-t-elle payé
?
Cet été, vous êtes omniprésente et quasiment la seule candidate aux primaires du PS à faire campagne. Certains disent que, distancée dans
les sondages, vous jouez votre va-tout…
Oui, j’ai lu ça (rires). Laissons de côte ces remarques condescendantes. Je fais mon travail. Je n’ai pas cessé depuis 2007 sur le plan
régional, national et international. Aux fruits de ce travail s’ajoute l’expérience d’une campagne. Les sondages actuels sont des bulles spéculatives. Vous savez, beaucoup d’électeurs ne savent
pas qu’ils peuvent tous voter aux primaires sans être adhérents du PS. Et les débats entre candidats n’ont pas commencé.
Vous le regrettez ?
Bien sûr. Certains veulent peut-être rester dans le confort des sondages… La démocratie ce n’est pas ça. C’est convaincre, débattre, comparer.
Collectivement, nous avons intérêt à ce qu’il y ait le plus grand nombre de votants pour donner un souffle à celle qui sera désignée.
Celle, dites-vous ?
Je vais prouver que je suis la plus forte et la plus expérimentée pour battre Nicolas Sarkozy, pour rassembler largement de l’extrême gauche aux
centristes humanistes et surtout pour agir vraiment : je serai la présidente des solutions. Pour que les indignés et les résignés apportent le meilleur d’eux-mêmes au pays, en reprenant
confiance.
Vous mettez souvent en avant l’expérience de votre dernière campagne. Mais vous l’avez perdue…
J’ai parfois donné l’impression d’improviser parce que le temps était court entre ma désignation et la campagne présidentielle. Cette fois, tout le
travail que j’effectue depuis 2007, me permet de tester les solutions que j’avance. Certaines sont reprises par le programme du PS d’ailleurs! La deuxième erreur, c’est d’avoir pensé que les
socialistes qui avaient perdu se rassembleraient tous autour de leur candidate désignée. Je n’ai pas pris le temps de les prendre un à un par la main en leur disant : « Allez, on est tous
ensemble pour l’emporter. » Je le regrette et cette fois je ferai tout ce qu’il faut. Et puis, je me suis trop laissée dénigrer. Par des gens qui, en plus, n’avaient aucune légitimité pour le
faire, n’ayant pas le dixième ou le centième de mes compétences et de ma loyauté. Alors, ça, c’est fini, je ne le tolérerai pas. Plus personne ne m’abaissera car je n’ai jamais manqué de respect
a quiconque pendant mes trente ans de vie politique.
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