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Désirs d'Avenir 76

La majorité des universités a fait le saut de l'autonomie

17 Février 2010 , Rédigé par Yvon GRAIC Publié dans #Education

  http://www.mediapart.fr/sites/all/themes/mediapart/mediapart/images/mediapart_head.pngLouise Fessard

Le 1er janvier 2009, 33 nouvelles universités ont choisi de passer à l'autonomie. Sur les 83 universités françaises, 51 disposent donc désormais des nouvelles compétences budgétaires et de gestion prévues par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) d'août 2007. «Le point le plus important est que nous disposons désormais de la masse salariale, ce qui nous permet de dégager des marges de manœuvre et de pouvoir créer une véritable politique d'établissement», se réjouit Yvon Berland, président de l'Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II), passée à l'autonomie en janvier 2009. Par exemple lorsqu'un professeur de classe exceptionnel, partant à la retraite, est remplacé par un jeune maître de conférences, le différentiel de traitement, autrefois conservé par l'Etat, revient désormais à l'université. L'université de la Méditerranée a mis à profit ces marges pour soigner son personnel: augmentation des fonds sociaux, de la formation continue et une politique d'intéressement pour les personnels (administratifs et enseignants) les plus performants.

Des primes qui peuvent aller jusqu'à 25.000 euros pour la prime d'excellence scientifique et qui font grincer quelques dents. «Les critères de la prime pédagogique pour les enseignants-chercheurs sont le taux d'insertion professionnelle et une évaluation par leurs propres étudiants, c'est la porte ouverte à la démagogie», estime Anne Mesliand, élue Snesup-FSU au conseil d'administration de l'université. «L'idée est que les étudiants évaluent globalement la formation délivrée, pas des individus», répond Yvon Berland qui préfère parler d'«émulation» plutôt que de «mise en concurrence» du personnel. «Il est normal pour ceux qui s'investissent d'avoir un signal, une reconnaissance qui ne soit pas qu'un remerciement à la fin de l'année», dit-il.

Un système dans lequel des «capitaines de recherche négocieront leur salaire à l'embauche tout en ayant à leur service une armée de contractuels taillables et corvéables à merci», écrit un chercheur du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui, en décembre 2009, a préféré refuser sa prime d'excellence scientifique de 15.000 euros. Récompensé au titre de sa médaille d'argent du CNRS, obtenue pour ses travaux scientifiques en 1996, François Bonhomme, directeur de recherche à l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier (ISE-M) a demandé que la somme soit plutôt versée à la Fondation de France. «Je ne suis pas du tout partisan, en effet, de la politique de différenciation salariale qui est en train de se mettre en place dans la recherche publique française», justifie-t-il dans sa lettre.  

La compétition se joue aussi au niveau des universités car désormais 20% de leur dotation étatique dépend de leur performance en matière de recherche –selon l'évaluation des laboratoires– et de formation –selon l'insertion professionnelle des diplômés. «Cela va entraîner des tensions entre les UFR, les équipes et les individus, ainsi qu'une frénésie de publication, puisqu'on reste dans une évaluation bibliométrique, de type quantitatif», dit Anne Mesliand. Et Mathieu Brunet, porte-parole de Sauvons l'université, de rappeler qu'un des principes de la science fondamentale demeure... le risque de rien trouver. «Vous ne savez pas ce que vous allez trouver et si vous ne trouvez pas, vous ne publiez pas d'article, rappelle-t-il. Mais ça ne veut pas dire que vous ne travaillez pas et vous êtes un mauvais chercheur!»

«Prises de décision au plus haut»

Avec un président aux pouvoirs élargis par la loi LRU et un conseil d'administration ramassé (il passe de 60 à 30 élus maximum) et qui fait la part belle à la liste majoritaire (la moitié des sièges à pourvoir est attribuée à la liste majoritaire, le reste étant réparti à la représentation proportionnelle), la gouvernance de l'université change. «L'ensemble des dispositions de la loi LRU favorisent des prises de décision au plus haut», juge Pascal Maillard, professeur à l'université de Strasbourg et membre du Snesup-FSU. Pour le meilleur –«ça a une certaine efficacité», reconnaît Anne Mesliand–, et le pire –«les instances se réunissent selon la loi mais il n'y a pas véritablement de débat démocratique puisqu'elles ne font qu'entériner les décisions prises par une petite équipe plus managériale que politique», regrette-t-elle.

Au contraire, selon Yvon Berland, «le passage à des compétences nouvelles, autrefois assurées à Paris, nous demande beaucoup plus de professionnalisme et de transparence et nous oblige à recruter des personnels à haut niveau de compétence dans le contrôle de gestion, les ressources humaines et la gestion comptable».

En l'absence de bilan officiel (le comité de suivi de la loi LRU n'a pas encore rendu son rapport annuel 2009), le monde universitaire scrute les effets de la loi sur le terrain. Dernière affaire en date réveillant ces craintes de toute-puissance du conseil d'administration et du président, le recrutement à un poste de maître de conférences à l'université de Metz d'une professeur issue de la maison contre l'avis du comité de sélection, qui, après étude des dossiers et audition de 6 des 42 candidats, lui avait préféré un candidat parisien. Accusant l'université de «localisme», trois des membres du comité de sélection ont démissionné le 1er février 2010.

C'était pourtant pour lutter contre ce localisme «qui tue le recrutement universitaire actuel» selon Valérie Pécresse, la ministre de l'enseignement supérieur, que la loi LRU avait remplacé les commissions de spécialistes par des comités d'experts composés pour moitié de membres externes à l'université et chargés de présélectionner, d'auditionner et de classer les candidats. Mais, selon la loi, le conseil d'administration garde le dernier mot. «C'est un travail extrêmement lourd et précis –quatre journées pour examiner les dossiers, lire les publications des candidats puis deux journées de réunion et d'audition– et c'est le conseil d'administration, où siègent des gens de toute discipline, qui n'ont pas les dossiers et n'ont pas auditionné les candidats, qui auraient plus de compétences que nous?», s'indigne l'une des démissionnaires, Éléonore Reverzy, professeur à l'université de Strasbourg. «Si ce type de situation se reproduit, personne ne voudra plus siéger en comité de sélection», prévient-elle

Un président jugé «omnipotent»

Faux débat mené par des «anti-LRU» pour Luc Johann, président de l'université de Metz qui avance un chiffre de 76% de recrutements extérieurs sur les postes de maître de conférences entre 2005 et 2008. «Les experts sont là pour expertiser des dossiers, les faire remonter puis c'est le conseil d'administration qui décide car c'est lui le jury du concours, dit-il. Généralement les administrateurs suivent le comité de sélection mais il est arrivé le contraire des dizaines de fois et ça ne date pas de la loi LRU, ça se passait déjà comme ça avant.» Le seul mérite de la loi LRU aura donc été de «rendre public le linge sale de mauvaises pratiques universitaires» en conclut Jean-Frédéric Schaub, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Sans pour autant les corriger.

Pour rééquilibrer les pouvoirs donnés par la loi LRU au conseil d'administration et à un président d'université jugé «omnipotent», Philippe Aghion, professeur d’économie à l’université de Harvard, suggère, dans un rapport remis le 26 janvier, de leur adjoindre un conseil académique (Sénat) émanant de la communauté éducative ainsi qu'un exécutif académique (chancelier ou recteur). Au conseil d'administration, le vote du budget, la recherche de fonds, la validation des programmes; au conseil académique, la politique d'enseignement et de recherche. Il faut rappeler qu'en France existent pourtant déjà deux conseils représentant la communauté éducative: le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire. Mais leur rôle a été réduit par la loi LRU...

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