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Désirs d'Avenir 76

Interview de Ségolène Royal par Marc-Olivier Fogiel sur Europe 1 ce matin

28 Septembre 2010 , Rédigé par Yvon GRAIC Publié dans #Ségolène ROYAL


"Il y a une complicité des établissements"
envoyé par Europe1fr. - L'actualité du moment en vidéo.

 

Marc-Olivier Fogiel : bonjour Ségolène Royal.

Ségolène Royal : bonjour.

Marc-Olivier Fogiel : vous êtes présidente de la Région Poitou-Charentes et ancien ministre délégué à l’Enseignement scolaire. Alors vous l’avez entendu, on l’a appris hier, un week-end d’intégration très alcoolisé a mal tourné à Grasse, une jeune fille aurait été violée. Alors la première question est simple : faut-il interdire les week-ends d’intégration ? On a posé la question aux auditeurs d’Europe 1 sur Internet : 46% disent oui, 40% disent non.

Ségolène Royal : il faut bien savoir ce que ça veut dire « week-ends d’intégration ». Ça dissimule en fait une reprise des pratiques de bizutage, qui sont absolument intolérables, parce que je crois que la violence n’a pas sa place dans l’enseignement, ni dans l’enseignement secondaire, ni dans l’enseignement supérieur.

Marc-Olivier Fogiel : et donc vous voulez les interdire, Ségolène Royal ?

Ségolène Royal : la loi les interdit, c’est la loi que j’avais fait voter, non sans difficulté d’ailleurs, il y a eu beaucoup de résistance des grandes écoles en particulier qui considéraient que ça faisait partie du folklore. Moi j’avais rencontré des parents dont les enfants étaient soit handicapés à vie, soit avaient perdu la vie même dans des comas éthyliques par exemple, des filles qui avaient subi des violences sexuelles, et je crois que c’est intolérable, c’est inadmissible.

Marc-Olivier Fogiel : mais la loi n’interdit pas les week-ends d’intégration, elle interdit le bizutage. Et ce que les étudiants vous répondent, pour certains week-ends d’intégration qui dégénèrent, la majorité se passe dans une ambiance bon enfant.

Ségolène Royal : vous savez quand il y a réservation d’alcool, ou dans un lieu dans lequel les adultes sont interdits, en général on sait que ce sont des lieux où sont organisés des bizutages. Et ce que je voudrais rappeler c’est que ce dérapage intolérable aurait pu être évité. Comment aurait-il pu être évité ? Il aurait pu être évité si le ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de l’Education nationale [« Valérie Pécresse », constate Marc-Olivier Fogiel] avait comme c’était le cas avant, fait des circulaires en début de rentrée en rappelant aux directeurs d’établissement qu’ils étaient co-responsables des faits de bizutage, c’est-à-dire qu’il seraient poursuivis également si des victimes subissaient des violences d’autres élèves.

Marc-Olivier Fogiel : alors justement, la responsabilité, pour vous, c’est qui ? C’est le bureau des étudiants ou c’est, donc, les responsables des écoles ? Les deux à vous entendre ?

Ségolène Royal : oui, la loi est très claire là-dessus, c’est-à-dire que les directions des établissements qui auront permis ou couvert des faits de bizutage seront sanctionnés, sévèrement sanctionnés, et bien sûr les auteurs des faits également. Personne ne pourra croire que le bureau des élèves, lorsqu’il obtient la liste des élèves, lorsqu’il convoque les élèves dans des week-ends d’intégration sans préciser ce qui va se passer, il y a donc une complicité évidente des directions d’établissement qui doivent normalement vérifier, lorsqu’ils passent la liste des élèves au bureau des élèves, pour quoi et à quoi elle va servir, et qu’est-ce qui va se passer dans ces week-ends d’intégration, et en tout cas l’obligation d’accompagner des élèves par des adultes encadrant les établissements concernés pour vérifier qu’il n’y a pas de dérapage.

Marc-Olivier Fogiel : sauf que là, Ségolène Royal, Ségolène Royal, on parle quand même d’étudiants qui sont majeurs. Est-ce que finalement, ce n’est pas juste la bêtise humaine, enfin vous êtes mère de famille, des élèves majeurs, étudiants, on ne peut leur mettre à côté, comme ça, des adultes, ça paraît un peu en décalage, non ?

Ségolène Royal : c’est ça qui est lamentable, vous avez raison, il s’agit d’élèves majeurs qui en plus ont la chance de faire des études supérieures, en général payées par la collectivité, et c’est ça qui est absolument lamentable. Et précisément lorsque l’on sait que ces pratiques-là perdurent, la responsabilité des responsables des établissements, c’est de les interdire, et c’est de ne pas laisser livrés les élèves aux mains de ce qu’il faut bien appeler des tortionnaires. Parce que quand le bizutage ou les pseudo-week-ends d’intégration se terminent dans le coma éthylique, parce qu’on force les élèves à boire, ou dans des atteintes sexuelles, ou dans des épreuves sportives stupides qui parfois provoquent du handicap, franchement, ce sont vraiment des pratiques d’un autre âge qui doivent être totalement éradiquées. De ce point de vue, le ministère a une responsabilité, parce que depuis plusieurs années il y a une reprise des pratiques d’intégration, des pratiques de bizutage. Pourquoi ? Parce que les instructions ne sont plus clairement données ni aux recteurs ni aux responsables des établissements.

Marc-Olivier Fogiel : deux mots d’actualité si vous le voulez bien. Le dossier Woerth-Bettencourt marqué par un bras de fer pour savoir qui dirigera l’enquête : d’un côté, la désignation d’un juge d’instruction demandée par Jean-Louis Nadal, de l’autre Philippe Courroye qui veut ne pas abandonner son enquête. Pour vous ?

Ségolène Royal : il est évident qu’il faut maintenant nommer un juge d’instruction pour qu’il y ait une véritable enquête, et cette résistance du pouvoir en place, à empêcher la liberté et l’indépendance de la justice, est très choquante

Marc-Olivier Fogiel : Claude Bartolone a provoqué des remous au PS en disant qu’il y aurait une entente entre Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn pour la candidature 2012. Il a ajouté que la primaire prévue à l’automne 2011 servirait alors à confirmer le candidat retenu parmi ces deux personnalités. Vous veillerez au grain ?

Ségolène Royal : oui, parce que l’union, vous savez, c’est un bien précieux. La gauche ne peut gagner que si elle est unie. Nous avons absolument besoin que la France connaisse une alternance pour mettre fin aux dégâts sociaux et aux dégâts économiques que nous connaissons aujourd’hui, et je ne laisserai pas porter atteinte à cette union que nous avons reconstruite et qui est vraiment indispensable pour pouvoir présenter un projet alternatif crédible.

Marc-Olivier Fogiel : et pour terminer, tout à l’heure, examen du projet de loi d’Eric Besson sur l’immigration, un texte durci donc, notamment sur la déchéance de nationalité, et des mesures pour expulser les étrangers coupables de menaces à l’ordre public. Ça vous inspire quoi Ségolène Royal, ce tournevis sécuritaire ?

Ségolène Royal : oh, il n’est pas sécuritaire du tout. [« Ah bon ? », demande Marc-Olivier Fogiel] Si une loi pouvait permettre de renforcer la sécurité des Français, je crois qu’elle serait bienvenue. Malheureusement, on a là une agitation frénétique législative, je ne sais plus, d’ailleurs on ne les compte plus, le nombre de lois qui sont intervenues, sans d’ailleurs que la sécurité des Français ne soit renforcée, puisque jamais les atteintes aux personnes et les atteintes aux biens n’ont été aussi importantes dans notre pays. Et donc je crois qu’une loi de plus, une loi inutile de plus, vraiment, là aussi il y a un problème de crédibilité, un problème d’efficacité, et je crois que les Français sont fatigués de cette agitation législative qui ne débouche pas sur grand chose.

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