Au PS, les litiges révèlent les failles de la démocratie interne

APRÈS avoir semblé rechercher l'apaisement, les partisans de Ségolène Royal ont posé un ultimatum à la commission de récolement chargée de trancher les litiges du vote du 21 novembre. Ils ont de nouveau menacé de saisir la justice pour faire annuler le scrutin si le conseil national, qui devait se réunir le 25 novembre, décidait de proclamer Martine Aubry premier secrétaire.

" Nous allons démonter qu'il y a eu des tricheries (Texte de la Protestation électorale ici). Il faut revoter ", a insisté Manuel Valls, mardi sur Europe 1. " Un passage en force laisserait une blessure profonde dans le parti ", a renchéri Vincent Peillon, qui propose de constituer " une direction collégiale " pour organiser un nouveau vote. Il n'y aurait selon lui que 4 à 19 voix d'écart entre les deux concurrentes.

Christophe Borgel, représentant de Mme Aubry dans la commission, considère que " dans 90 % des cas, il n'y aura pas l'ombre d'une rectification " des scores. Il conteste le chiffre de 40 fédérations, avancé par ses adversaires, dans lesquelles des irrégularités auraient été constatées. Les litiges porteraient sur " 8 ou 9 " fédérations dont la Gironde, la Moselle et le Nord, selon François Lamy, bras droit de Mme Aubry.

Même si, de l'avis général, les dysfonctionnements manifestes ne constituent pas la règle, le processus électoral au sein du PS révèle de nombreuses failles. " Du fait de ma seule présence, le taux de participation et le score de Ségolène Royal ont notablement chuté par rapport au vote des motions, quinze jours plus tôt ", relève, amusé, un scrutateur envoyé au nom de Martine Aubry pour surveiller les opérations de vote dans une section des Bouches-du-Rhône. La commission nationale de récolement n'a pas été saisie d'irrégularités concernant cette fédération à la réputation sulfureuse. Celle du Pas-de-Calais, connue pour gérer son propre système de cartes, n'a pas non plus été mise en cause. En revanche, dans l'Hérault, un observateur extérieur a été exclu manu militari du bureau de vote. Et un autre n'a jamais pu s'approcher à moins de dix mètres de l'isoloir...

" BULLETINS PLIÉS EN QUATRE "

" Il existe des gens qui pratiquent le bourrage d'urnes depuis toujours et qui en tirent gloriole. Il s'agit d'une sorte de virilité militante, assure un scrutateur. Il existe des techniques basiques mais efficaces : glisser son bulletin avec d'autres, habilement pliés en quatre, puis régulariser ensuite sur la feuille d'émargement. " Les irrégularités peuvent être moins grossières.

Un militant pro-Royal de Seine-Maritime se plaint de la façon dont le vote a été organisé par les dirigeants de cette fédération contrôlée par les amis de Laurent Fabius. " Les lieux de vote n'ont été annoncés que la veille au soir, le représentant de Ségolène Royal n'a pas été autorisé à pénétrer dans la salle de recueil de données et, dans deux sections, on a relevé sur la liste d'émargement des cas d'une signature identique en face du nom de plusieurs personnes de la même famille ", dit-il. " Dans ce département, il n'y a rien dans les dossiers ", rétorque M. Lamy. Çà et là, on rapporte des cas de vote par correspondance, pourtant interdit par les statuts, voire par téléphone.

Christine Garin et Jean-Michel Normand