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Désirs d'Avenir 76

Ségolène Royal : "Mon rôle est d'organiser le changement et l'ouverture"

19 Novembre 2008 Publié dans #Dans la presse


"D'abord, je symbolise le changement et même la rupture. Cela en dérange beaucoup alors que j'ai vingt-cinq ans de militantisme au sein du PS. Ensuite, j'incarne la légitimité que m'a donnée la campagne présidentielle. Enfin, j'ai un contact particulier avec le peuple. Cela fait ma force et intrigue certains", explique la présidente de la région Poitou-Charentes.


A
la veille du premier tour de l'élection du premier
Ségolène Royal, le 18 novembre 2008, au Grand Journal de Canal+.secrétaire du Parti socialiste, qui aura lieu jeudi 20 novembre, Ségolène Royal précise ses arguments dans la confrontation qui l'oppose à Martine Aubry et Benoît Hamon. Confirmant sa volonté de changer le fonctionnement du parti, l'ancienne candidate à l'élection présidentielle, qui estime qu'elle "symbolise la rupture", évoque son "contact particulier avec le peuple" tout en affichant son souhait d'associer à la direction du parti des dirigeants issus d'autres motions. Elle entend, si elle l'emporte, organiser des conventions thématiques, en particulier sur les alliances, la crise financière et la protection sociale.


La campagne se durcit. Jack Lang vous accuse de vouloir transformer le PS en un parti à l'américaine, une grosse machine électorale…

Arrêtons les anathèmes : voilà typiquement les méthodes du passé que je ne veux plus voir dans le nouveau parti ! Je n'ai jamais construit mon discours politique sur le rejet de ce qui se fait ailleurs, sur le repli sur soi, sur la peur du changement. François Mitterrand parlait de "la force d'être soi-même et celle de changer". Nous avons l'obligation de changer.

Aujourd'hui, le vrai risque, c'est l'immobilisme. Le PS est devant un choix crucial : se recroqueviller ou s'envoler, se refermer sur lui-même ou s'ouvrir au monde, s'étioler ou renaître, en prenant le risque de créer un parti joyeux, métissé, créatif, constructif. Soit on choisit encore la pyramide immuable, le sommet et la base, ceux qui savent et ceux qui exécutent, soit on joue le collectif, le rassemblement et une gestion plus horizontale du parti.

Pourquoi les réactions à votre égard sont-elles si vives ? A entendre vos adversaires, c'est tout juste si vous appartenez à la famille socialiste.

J'ai trois explications à cette violence. D'abord, je symbolise le changement et même la rupture. Cela en dérange beaucoup, alors que j'ai vingt-cinq ans de militantisme au sein du PS. Ensuite, j'incarne la légitimité que m'a donnée la campagne présidentielle. Enfin, j'ai un contact particulier avec le peuple. Cela fait ma force et intrigue certains.

Comment analysez-vous ce qui s'est passé au congrès de Reims ?

Cela a été un jeu de poker menteur. En principe, le rassemblement se fait autour de la motion arrivée en tête. C'est la règle. Mais parce que c'était moi et une nouvelle génération, ils ont refusé de s'y plier. Ils ont fait de ce congrès une question de personnes.

Quand j'ai contacté Martine Aubry et Bertrand Delanoë pour faire le rassemblement, ils m'ont dit que j'étais la candidate légitime, et ils ont commencé à discuter sur le texte. Nous avons eu un échange écrit, puis ils ont refusé tout débat complémentaire. Et dès l'ouverture de la commission des résolutions, ils ont déclaré ne plus avoir rien à nous dire. Il s'agissait d'un congrès d'obstruction à la motion arrivée en tête.

Pourquoi avez-vous reculé sur la question de l'alliance avec le centre, en en appelant désormais à l'arbitrage des militants ?

Je n'ai pas reculé. Mon discours a été clair là-dessus. Pour faciliter un rapprochement avec Bertrand Delanoë, j'ai fait cette proposition de méthode. J'ai également tendu la main à Benoît Hamon, en lui proposant de prendre la responsabilité du forum chargé de réfléchir à cette question. Il a refusé. Sur le fond, je ne renie rien. Le parti doit s'ouvrir, mais après avoir rassemblé toute la gauche.

Aux militants qui s'inquiètent, je rappelle que j'ai été capable de rassembler toute la gauche au premier tour de la présidentielle, et d'être présente au second, avec le soutien notamment d'Olivier Besancenot et d'Arlette Laguiller.

Vous souhaitez être secondée par un premier secrétaire délégué. Quelles seront ses attributions ?

Contrairement à la réputation qu'on me fait, je délègue beaucoup, en particulier dans mes fonctions de présidente de région. Le premier secrétaire délégué pourra exercer tous les pouvoirs du premier secrétaire par délégation. Présider le bureau national, s'exprimer pour le parti, s'assurer du bon fonctionnement de l'appareil, en appui avec quelqu'un qui s'occupera des fédérations.

Cela veut-il dire que vous ne présiderez pas toutes les semaines le bureau national si vous êtes élue ?

C'est déjà le cas. Lorsque le premier secrétaire est pris par d'autres obligations, notamment internationales, il délègue la présidence du bureau national.

Avec qui souhaitez-vous diriger le parti ?

Je veux constituer une équipe ouverte aux autres motions, y compris celle de Benoît Hamon. J'espère convaincre des personnalités de talent comme Didier Migaud, Pierre Moscovici, Jean-Yves Le Drian, Marisol Touraine, Adeline Hazan, Alain Vidalies et d'autres encore. Je souhaite constituer une équipe solide qui assume pleinement ses responsabilités et se déploie largement. Mon rôle est d'organiser le changement, l'ouverture et la transmission.

Quelles premières décisions envisagez-vous de prendresi vous l'emportez ?

Je contacte immédiatement les responsables socialistes européens. Puisque la France a la présidence de l'Union européenne jusqu'à la fin de l'année, et même si les délais sont très courts, nous organiserons un forum global avec les partis socialistes européens, le mouvement syndical, les ONG. Car la réflexion et les décisions sur la crise ont été confisquées par les pouvoirs institutionnels et les banques.

Il faudra aussi réformer la gouvernance du parti : intégrer les nouvelles formes de militantisme, refonder notre outil Internet pour permettre le développement des débats interactifs, créer une sorte de Facebook socialiste et attirer ainsi de nouveaux publics, mobiliser les jeunes des quartiers populaires, baisser le prix des cotisations et déclencher un mouvement d'adhésion, créer enfin l'université populaire de la connaissance, avec des antennes régionales. Des conventions thématiques scanderont régulièrement la vie du parti, en attirant vers nous les intellectuels et les chercheurs.

Sur quels thèmes ?

La crise financière, le modèle social français, l'avenir de la sécurité sociale et des retraites, la santé, la décentralisation et la place de l'Etat, le syndicalisme de masse…

Quel type d'opposition préconisez-vous face à Nicolas Sarkozy ?

Une opposition constructive. Cela nécessite de bien identifier dans la politique de Nicolas Sarkozy ce qui marche et ce qui ne marche pas. Il a compris que, pour sortir de la crise, il fallait jouer à tous les niveaux : national, européen et mondial. Mais il n'a pas de politique économique, il détruit les services publics, qui sont notre patrimoine commun, il accorde aux entreprises des aides financières sans contrepartie. Il reste impuissant face à ses amis banquiers. Le pays a le sentiment aujourd'hui d'une profonde injustice et d'une grande inefficacité.

Propos recueillis par Françoise Fressoz et Jean-Michel Normand
photo AFP/STEPHANE DE SAKUTIN

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J
Si quelqu'un n'est plus crédible , c'est bien Jack Lang : il y a quelques semaines il se voyait Ministre De Sarkozy !
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